LA PLAINTE PENALE

par Me FARAJALLAH, Avocat pénaliste
Enseignant à l'Ecole de Formation du Barreau de Paris
(contact : mfara@wanadoo.fr)

 

Lorsqu'une personne a un litige, son réflexe est d'aller "déposer plainte". Au sens strict, "déposer plainte" suppose que l'on est en matière pénale.
En effet, on ne peut déposer une plainte pénale que si une infraction prévue par le code pénal (une contravention, un délit ou un crime) a été commise. En outre, le préjudice subi par le plaignant doit se rattacher directement à l'infraction commise. Ainsi, la non-restitution d'un prêt d'argent ne peut donner lieu à plainte pénale car il ne s'agit ni d'un vol ni d'une escroquerie. Il faudra engager une procédure devant un Tribunal civil.

Une fois la plainte déposée, celle-ci suivra alors une procédure particulière qui pourra aboutir au procès pénal.

En matière pénale, que l'on soit victime ou prévenu (l'auteur présumé de l'infraction), l'assistance d'un avocat n'est pas obligatoire. Toutefois, compte tenu des règles spécifiques de procédure, des arguments juridiques à soulever, des éventuelles nullités de procédure à déceler, la présence d'un avocat est vivement recommandée.

 

I/ Le dépôt de plainte proprement dit

a) Comment déposer plainte

Toute personne se considérant victime d'une infraction pénale peut aller déposer plainte au commissariat de quartier (n'importe lequel) ou à la gendarmerie. La plainte enregistrée sera alors transmise au Procureur de la République qui décidera des suites éventuelles à donner.
La victime peut encore s'adresser directement auprès du Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance du lieu de l'infraction (ou du lieu de résidence du prévenu). Cela permet ainsi de pallier les éventuelles lenteurs administratives de certains commissariats de quartier ...
La plainte adressée au Procureur de la République ne doit pas répondre à une forme particulière. Elle doit simplement énoncer clairement les faits susceptibles d'une qualification pénale (le Procureur les qualifiera lui-même) et préciser l'identité de la victime et de l'auteur de l'infraction (lorsque celle-ci est connue).

b) Les suites de la plainte pénale déposée

S'il entend y donner une suite, le Procureur décidera la plupart du temps d'ouvrir une enquête afin de rassembler davantage d'éléments :
les services de police ou de gendarmerie compétents seront ainsi chargés de convoquer, d'auditionner, les personnes visées dans la plainte et d'établir tout acte de nature à élucider l'affaire. Toutefois, compte tenu des pouvoirs limités des services d'enquête (ils n'ont pas de pouvoirs coercititifs à ce stade, pas le droit de perquisitionner sans l'assentiment de l'intéressé, pas la possibilité d'obliger une personne à se rendre à leur convocation), seule l'ouverture d'une instruction (voir : III) permettra de mener des investigations efficaces.
A l'issue de l'enquête, au vu des éléments collectés par les services de police (ou de gendarmerie), le Procureur décidera du sort de la procédure : suites judiciaires ou classement sans suite. Il a en effet l'opportunité des poursuites. En clair, il décide seul car un Tribunal ne peut "s'auto-saisir" d'une affaire.

Il faut savoir qu'une décision de classement sans suites ne prive pas de tout recours le plaignant. Classement sans suites ne signifie pas qu'il n'y a pas matière à des poursuites pénales. Compte tenu de l'encombrement des tribunaux, de nombreuses infractions ne donnent pas lieu à des poursuites pour "une bonne administration de la justice". Il en est ainsi en matière d'abandon de famille ou encore de non-représentation d'enfant.
Dans ce cas, la victime pourra relancer de sa propre initiative la procédure par une citation directe ou un dépôt de plainte avec constitution de partie civile.

 

II/ La citation directe

Comme en matière civile, toute personne se considérant victime d'une infraction pénale, peut citer (convoquer) l'auteur de son préjudice directement devant un Tribunal pénal. La différence tient au fait que l'on ne peut agir au pénal que si une infraction pénale (vol, escroquerie, abus de confiance, violences, ...) peut être reprochée au responsable du préjudice. La victime ne pourra demander que des dommages et intérêts et la restitution éventuelle de son bien. Elle est partie civile au procès pénal. Seul le Procureur peut demander une peine telle l'emprisonnement ou l'amende.

Ainsi, une victime dont le préjudice se rattache directement à une infraction pénale pourra faire juger son affaire par le Tribunal de Police (s'il s'agit d'une contravention) ou par le Tribunal Correctionnel (s'il s'agit d'un délit). S'il s'agit d'un crime, seule une plainte avec constitution de partie civile est envisageable (Voir : III).

L'avantage d'une telle procédure est que la victime n'est pas tributaire de la décision du Procureur quant aux suites pénales éventuelles données à la plainte. Elle initie elle-même le procès pénal en convoquant l'auteur de l'infraction directement devant le Tribunal. Cela est un gain de temps manifeste.
Toutefois, la citation directe n'est possible que pour les infractions simples, lorsque les éléments constitutifs de l'infraction sont réunis et que l'auteur est connu. Le Tribunal doit en effet être en mesure de juger l'affaire telle qu'elle est présentée par le plaignant. En outre, convoquer une personne devant un Tribunal correctionnel (ou de police) n'est pas anodin. Ainsi, si le prévenu (l'auteur présumé) est relaxé, il pourra demander réparation à la victime pour plainte abusive. Et cela au cours du même procès !
La citation directe est donc une procédure à manier avec précaution.

Si l'affaire est complexe et qu'elle nécessite des investigations, la victime doit déposer plainte avec constitution de partie civile.

 

III/ La plainte avec constitution de partie civile

Le dépôt de plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des Juges d'instruction permet l'ouverture d'une information, c'est à dire la désignation d'un juge d'instruction. Celui-ci instruira (enquêtera) sur les faits et les personnes visés dans la plainte avec les plus larges pouvoirs. Il pourra d'ailleurs déléguer ses pouvoirs (auditions, perquisitions, ...) par le biais de commissions rogatoires aux services de police ou de gendarmerie.
C'est la procédure à envisager par une victime lorsque l'auteur de l'infraction est inconnu, lorsque le préjudice n'est pas établi, lorsque l'infraction est complexe à démontrer (ex : organisation d'insolvabilité, escroquerie, ). En matière criminelle, l'instruction est obligatoire.

A l'issue de l'instruction, le Juge clôturera le dossier par une décision appelée Ordonnance. Il peut s'agir soit d'une Ordonnance de renvoi de l'affaire devant le Tribunal pour jugement, soit d'une Ordonance de non-lieu lorsque les faits reprochés ne lui paraissent pas établis.

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